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La gouvernance d’entreprise se transforme

Auteur(s) : Andrew MacDougall, John M. Valley

Le 13 décembre 2021

L’année 2021 aura été caractérisée par le maintien des réunions virtuelles, une mise en avant décuplée de l’importance des questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), une recherche continue de nouveaux outils et de nouvelles orientations en matière de gouvernance d’entreprise, ainsi qu’un regain d’attention pour les structures d’actions à double catégorie.

Les réunions virtuelles se sont imposées

La majorité des émetteurs canadiens a continué de tenir des assemblées des actionnaires virtuelles durant la deuxième saison de sollicitation des procurations tenue sur fond de pandémie mondiale. Vous trouverez plus de détails dans notre bulletin d’actualités Osler : La saison des procurations de 2021 sous la loupe. Les problèmes techniques rencontrés lors de l’adoption initiale de cette méthode en 2020 étaient cette fois largement absents, et de nombreux émetteurs ont aussi amélioré leur communication sur le processus d’inscription et de vote, ainsi que la manière de poser des questions lors de l’assemblée.

Les provinces de l’Alberta, de la Colombie-Britannique et de l’Ontario ont modifié leur législation en droit des sociétés pour supprimer tout obstacle législatif au recours aux assemblées virtuelles. Toutefois, la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la législation sur les sociétés de plusieurs autres provinces prévoient toujours l’exigence problématique selon laquelle les participants doivent pouvoir communiquer entre eux, et pas seulement avec le président de l’assemblée.

ESG : plus que jamais à l’ordre du jour

Les questions ESG ont été au cœur des débats au sein des conseils d’administration, des directions et des groupes d’investisseurs en 2021.

Au cours de l’année, plusieurs avancées liées aux enjeux climatiques ont renforcé l’intérêt croissant pour ce domaine :

  • proposition de nouvelles exigences de divulgation conformes aux recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, ainsi que pour les sociétés qui cherchent à accéder au crédit d’urgence pour les grands employeurs au Canada;
  • l’introduction d’un « say on climate » (vote consultatif des actionnaires sur les enjeux climatiques) dans un certain nombre d’entreprises dans le monde;
  • les annonces par certains investisseurs institutionnels de leur volonté de se défaire de leurs participations dans des entreprises à forte intensité de carbone;
  • de nouvelles obligations de divulgation proposées par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières en octobre 2020.

On notera également l’engagement continu en faveur d’une plus grande diversité au sein des conseils d’administration et des instances de haute direction. Comme nous l’avons décrit plus en détail dans notre septième rapport annuel sur les Pratiques de divulgation en matière de diversité, la représentation des femmes au sein des conseils d’administration canadiens continue de progresser. Les administratrices occupent désormais 23,4 % des sièges au conseil d’administration des sociétés cotées à la TSX et 31,5 % des sièges dans les sociétés de l’indice composé S&P/TSX, soit un peu moins qu’au Royaume-Uni et en Australie.

Les entreprises cotées régies par la LCSA ont amélioré leur conformité aux exigences de divulgation en matière de représentation des femmes, des minorités visibles, des peuples autochtones et des personnes handicapées.

Aux États-Unis, Nasdaq a adopté de nouvelles règles audacieuses en matière de divulgation concernant la présence des femmes et d’autres groupes sous-représentés. Les entreprises concernées doivent indiquer la proportion des membres du conseil qui se considèrent afro-américains ou noirs, autochtones de l’Alaska ou amérindiens, asiatiques, hispaniques ou latino-américains, autochtones d’Hawaï ou insulaires du Pacifique, blancs, de deux races ou origines ethniques ou plus, et de la catégorie LGBTQ+. En outre, la plupart des émetteurs du Nasdaq, y compris les sociétés canadiennes concernées, seront tenus d’inclure au moins deux personnes issues de la diversité, dont au moins une femme dans leur conseil d’administration, ou d’expliquer pourquoi ils ne respectent pas le minimum prescrit. Vous trouverez plus de détails dans notre bulletin d’actualités Osler : Nouvelles exigences progressives du Nasdaq en matière de diversité au sein des conseils d’administration.

L’intérêt des investisseurs pour les questions ESG a entraîné une augmentation des flux de capitaux dans les investissements poursuivant des objectifs ESG, ce qui a encouragé un plus grand nombre d’émetteurs à communiquer sur le sujet, ou à renforcer leurs initiatives de divulgation ESG existantes. Ces derniers ont également commencé à inclure plus d’informations concernant la surveillance par le conseil des enjeux ESG dans leurs documents de sollicitation de procurations.

Vous trouverez plus de détails dans notre article intitulé « Des personnes, une planète et le rendement : adopter les ESG ».

Rapports sur la gouvernance d’entreprise

Plusieurs rapports donnant des orientations en matière de gouvernance d’entreprise ont été publiés au début de l’année 2021, ce qui témoigne d’une réelle volonté d’amélioration des pratiques au Canada :

  • En novembre 2020, Lambay Group a publié le rapport High Performance in the Boardroom, rédigé par Tony Gaffney, avec le concours de Katie Taylor en tant que conseillère principale, qui exposait les résultats d’une série d’entrevues réalisées auprès d’administrateurs canadiens chevronnés à partir de la fin de l’année 2019 et courant 2020. Le rapport soulignait les avis parfois conflictuels des dirigeants d’entreprises sur la façon dont les conseils d’administration peuvent progresser en cette période de changement rapide.
  • Comme nous l’avons mentionné dans notre article intitulé « Des changements progressifs au cours d’une année historique à l’égard de l’activité des marchés des capitaux », le rapport final du Groupe de travail sur la modernisation relative aux marchés financiers a été publié en janvier 2021. Les recommandations en matière de gouvernance d’entreprise étaient sensiblement les mêmes que celles qui avaient été proposées dans le projet de consultation précédent. Elles comprennent notamment des propositions visant à obliger les sociétés cotées à la TSX à se fixer des objectifs et à fournir l’information sur la représentation des femmes et des Noirs, des Autochtones et des personnes de couleur au sein des conseils d’administration et aux postes de direction, suggérant des cibles potentielles de 40 % de femmes et de 20 % de personnes noires, autochtones et de couleur, et une durée de mandat de 12 ans maximum pour les administrateurs (15 ans pour le président du conseil).

    Parmi les autres recommandations figurant dans le rapport final, citons les suivantes :
    • en ce qui concerne les agences de conseil en vote, permettre aux émetteurs de « réfuter » les conclusions formulées dans les rapports de ces agences;
    • réduction du seuil de propriété justifiant un rapport d’alerte précoce à 5 %, contre 10 % actuellement;
    • introduction de votes consultatifs annuels obligatoires sur les pratiques de rémunérations pour tous les émetteurs;
    • renforcement des exigences de déclaration des facteurs ESG;
    • une obligation d’utilisation de procurations universelles;
    • donner la possibilité à la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario d’exprimer son opinion à l’égard de l’exclusion, par les émetteurs, des propositions d’actionnaires contenues dans les documents de procuration;
    • introduction de règles visant à prévenir l’exercice excessif du droit de vote et à permettre aux émetteurs d’obtenir l’identité et la participation des propriétaires bénéficiaires qui s’opposent à cette communication d’information.
  • En février 2021, Peter Dey et Sara Kaplan ont publié leur rapport intitulé 360° Governance: Where are the Directors in a World in Crisis?, dans le cadre duquel ils avaient sollicité l’avis d’un comité consultatif diversifié composé de nombreux administrateurs, ainsi que de conseillers en gouvernance et d’universitaires. En résumé, le rapport conclut que les décisions rendues par les tribunaux depuis 1994, année de publication du rapport fondamental sur la gouvernance d’entreprise Où étaient les administrateurs? par le comité sur la gouvernance d’entreprise de la bourse de Toronto (présidé par Peter Dey lui-même et appuyé par Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l.), mettent en évidence la transition de la primauté des actionnaires en faveur de celle des parties prenantes. Le rapport proposait 13 nouvelles lignes directrices dans le but d’améliorer les pratiques de gouvernance d’entreprise pour gérer l’impact sur les parties prenantes, notamment des recommandations relatives à l’objet social de l’entreprise, à la prise en compte des intérêts des parties prenantes par le conseil d’administration, au mandat des administrateurs, à la diversité au sein du conseil d’administration et de la haute direction et, plus généralement, du personnel, de même qu’à la promotion par l’entreprise des relations avec les peuples autochtones et à la surveillance et communication d’information portant sur les enjeux liés aux changements climatiques.

Les structures d’actions à double catégorie font parler d’elles

Les structures d’actions à double catégorie sont utilisées depuis longtemps sur les marchés nord-américains et ont continué d’être largement plébiscitées dans le cadre des récents premiers appels publics à l’épargne. Elles permettent aux actionnaires importants de maintenir le contrôle de leur entreprise, malgré le fait que les autres actionnaires représentent des intérêts économiques disproportionnés. Elles contribuent également à protéger la société cotée des velléités de prise de contrôle éventuelles. Certains émetteurs équilibrent leur structure en veillant néanmoins à ce que la catégorie secondaire ait le droit de nommer un certain nombre d’administrateurs. Dans la plupart des cas, toutefois, les actionnaires importants conservent la capacité de remplacer l’ensemble du conseil, car ils bénéficient d’une catégorie distincte d’actions avec droit de vote ou d’actions avec droit de vote multiple.

L’âpre réalité des structures d’actionnariat à double catégorie s’est révélée à tous en 2021, lorsqu’un différend au conseil d’administration de Rogers Communications Inc. s’est transformé en une bataille très publique pour le contrôle de la société. Edward Rogers, en qualité de président de la fiducie familiale, qui détient 97,5 % des actions de catégorie A avec droit de vote de la société, a en effet signé une résolution par consentement en vue de remplacer cinq administrateurs au conseil, et ce, sans convoquer d’assemblée ni soumettre cette décision à un vote des actionnaires.

La capacité d’opérer un tel changement par résolution écrite est une prérogative unique prévue par la loi sur les sociétés de la Colombie-Britannique; c’était la première fois au Canada qu’une résolution de consentement était utilisée pour révoquer et remplacer les administrateurs d’une société cotée en bourse. Un juge de la Cour suprême de la province a par la suite statué que la résolution par consentement était valide, en vigueur et exécutoire à la date de sa signature.

Cette décision a mis un coup de projecteur sur les défauts des structures d’actions à double catégorie, qui permettent aux sociétés sous contrôle de bénéficier d’un accès aux marchés boursiers canadiens, alors que les actionnaires autres que l’actionnaire majoritaire ne participent pas au processus de nomination des administrateurs.

Que nous réserve la suite?

Au fur et à mesure que les entreprises canadiennes retrouvent une activité normale, nous nous attendons à ce que les parties prenantes continuent de mettre l’accent sur les considérations ESG et de militer en faveur d’une plus grande réglementation pour combler les lacunes perçues dans les normes de pratiques.